Premier Numéro : Liberté d'Expression et de Presse
- Louis TANDONNET
- 10 oct.
- 4 min de lecture
Nous vous invitons ici à découvrir l'éditorial du Président de l'Association "La Gazette des Droits fondamentaux" introduisant ce premier numéro.
Vous pouvez lire l'intégralité de ce numéro en cliquant sur ce lien.
EDITORIAL
« Un bon Journaliste est un Journaliste mort ! » Certes il est dur ce titre de Courrier International dénonçant à l’époque la situation de la presse au Zimbabwe 1.
Aujourd’hui peut-être plus encore qu’hier la question de la liberté de la presse est un marqueur d’une démocratie et plus encore de l’aspiration à la démocratie tant du peuple considéré que de ses élites.
Cela est parfaitement compréhensible : un journal indépendant est un miroir de notre société, montrant ce qui veut être caché, révélant ce qui veut être dissimulé, son but doit être de remuer la plume dans la plaie ; de mettre en lumière, par le contact et la distance, les petitesses des grands hommes, les grandeurs des petites gens. En cela, il est un manuel pratique de l'espèce humaine.
Loin d’un fantasme où chaque reporter voudrait par manie des grandeurs son Watergate, ses plombiers, sa gorge profonde, la liberté de la presse est celle qui doit séparer les commentaires, libres, des faits, sacrés ; qui doit permettre que la voix des opposants, non moins que celle des amis, ait le droit d'être entendue.
En quelque sorte, un journal n'a pas à être d’accord avec ce que vous dites, mais doit se battre jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire.
Il faut le marteler : les républicains ne doivent pas craindre la liberté de la presse. Ne pas craindre la liberté de la presse, c'est savoir qu'elle comporte des excès. C'est pour cela qu'il y a des lois contre la diffamation dans tous les pays de liberté, des lois qui protègent les citoyens contre les excès de cette liberté 2.
Mais il convient aussi de se souvenir que sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloges flatteurs et qu’il n’y a que les petites gens qui redoutent les petits écrits.
Naguère et à la suite de Malesherbes 3, le Prince de Talleyrand et Monsieur de Chateaubriand fustigeaient à raison et de concert la censure en rappelant que « sans la liberté de la presse, il n'y a pas de gouvernement représentatif » 4 car, pour reprendre la logique de Victor Hugo, « le principe de la liberté de la presse n'est pas moins essentiel, n'est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ce sont les deux côtés du même fait. Ces deux principes s'appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c'est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l'une c'est attenter à l'autre. » 5
Et paradoxalement cette question est d’autant plus importante aujourd’hui, à l’heure d’une prétendue information instantanée.
Pourquoi ? Parce que lorsque toute information et opinion sont présentées sur un pied d’égalité, la censure s’effectue plus efficacement par la volonté personnelle et la facilité d’acquisition que par la qualité ou la rigueur de la source ou de la loi.
Or l’Histoire nous a appris qu'une société hiérarchisée n'est possible que sur la base de l'ignorance ; nombreux sont un peu jeunes pour s’en souvenir, nous le sommes trop pour l'avoir oublié.
Rappelons-nous qu’une démocratie ne survit que si son peuple la protège au besoin en se révoltant, et en même temps, que ces révoltes ne se font jamais de leur propre mouvement ni par le seul fait de l’oppression. Aussi longtemps que le peuple n'a pas d'élément de comparaison, il lui est presque impossible de constater son oppression.
Alors oui pour protéger et défendre notre démocratie, nous avons besoin d’un accès aux points de comparaison, et cet accès, c'est la presse libre.
Oui les journalistes peuvent être de mauvaise foi ou partisans, mais ils nous sont indispensables.
Alors la seule question à poser, c’est celle de la vision du rôle de l’État : sommes-nous prêts à accorder à nos hommes politiques ou aux seuls financiers le pouvoir de légiférer sur les mots ; les mots dits, écrits ou dessinés ?
Un bon Journaliste est un Journaliste mort : cette année, ils sont déjà 37 bons journalistes. 6
Louis TANDONNET
Notes de l'Article :
Article publié par la Rédaction le 5 février 2007.
CLEMENCEAU Georges, Discours à l’Assemblée Nationale du 8 mars 1918 « Je fais la Guerre. »
Auteur en 1788 d’un « Mémoire sur la liberté de la presse » où il précise que « la liberté de la discussion est le moyen sûr de faire connaître à une nation la vérité ».
TALLEYRAND PERIGORD, Charles Maurice, De la véritable grandeur des Etats. Eloge de la liberté de la presse, édition G. Ferrero, De Fallois, 1996 ; G. Lacour-Gayet, Talleyrand, éditions Rencontre, Payot, 1933, Cazes, in : Politique étrangère, n°3-4 - 2000 – 65e année, pages 915-922.
HUGO, Victor, « Discours sur la liberté de la presse », Assemblée Nationale, 11 septembre 1848.
Source Reporter Sans Frontière – https://rsf.org/fr/barometre
Commentaires